top of page

Sabali chez les Bretons



Roscoff


Notre dernière nuit à Sark fut insupportable. Le bruit et le roulis nous empêche de fermer l’œil de la nuit. A 2h30, Marlenë aperçoit un voilier échoué au fond de la baie. Le peu de sommeil que nous aurions pu avoir est volatilisé en un instant. Nous appelons les garde-côtes de Jersey pour les alerter de l'accident dont nous étions témoins. L'occupant du voilier échoué nous contacte alors pour signaler qu'en fait, tout va bien et qu'il ne nécessite aucune aide car la marée haute va remettre son bateau à flots. Ébahis par tant de flegme, nous annulons notre "mayday relay" et préparons notre navigation.


Un peu moins d'une centaine de milles nous séparent de Roscoff, notre prochaine étape, la première en Bretagne. Les courants dans la région faisant leur loi, nous calculons que nous devons partir aux alentours de 3h du matin pour bénéficier d'un petit coup de pouce des éléments pour le départ. Seulement voilà, une fois les voiles hissées, nous constatons que notre vitesse réelle est inférieure de 2 nœuds à la vitesse qu'affiche notre speedo. Non seulement nous ne sommes pas portés par le courant comme nous le pensions, mais en plus il nous ralentit considérablement! Comment avons-nous pu nous planter à tel point? On l'ignore encore actuellement!



Le jour se lève peu à peu et le vent, capricieux, va se coucher. Nous mettons donc une n-ième fois le moteur en route, maudissant l'absence de spi, voile qui nous aurait permis de grappiller quelques milles sans brûler de carburant. La journée progresse, le vent s'établit à nouveau, cette fois plein arrière. Nous mettons donc nos voiles en ciseaux (chaque voile de part et d'autre du bateau), configuration très belle mais qui demande une vigilance de tout instant car il suffit d'une vague mal placée pour faire basculer l'une des deux voiles du mauvais côté ce qui aurait pour conséquence toute une série de désagréments pouvant aller jusqu'à la casse de beaucoup de matériel couteux.



La côte de Roscoff apparait à l'horizon et nous distinguons peu à peu les balises d'entrée au port. Une manœuvre plus tard, nous sommes de retour sur terre ferme, affamés de la journée mais toujours sans gaz. Par chance, une fête foraine est présente dans le (très joli) village: nous allons y manger une mitraillette (pain avec des frites et de la viande pour les non-Belges). Il est temps d'aller s'écrouler. Le jour suivant est mis à profit pour trouver le gaz qui nous faisait tant défaut, une canne à pêche et toute une série de brols nécessaires pour les futures navigations. La vie de marin débutant est loin d'être reposante!!


Aber Wrac'h


L'Aber Wrac'h était inscrite sur notre liste de destinations dès le début car nous voulions y tourner un petit documentaire sur sur une ferme d'algues et les bienfaits que celle-ci pouvait avoir sur l'écosystème où elle était implantée. C'est donc impatients de commencer notre projet de documentation d'initiatives durables que nous mettons cap sur ce patelin breton. La navigation se déroule calmement, de la musique reggae résonne dans le cockpit, nous sommes contents de notre route. On sent tout de suite que la Bretagne est un pays de marins, les embarcations de toutes tailles et types pullulent sur la mer et tout ce beau monde cohabite harmonieusement.


Au moment de rentrer dans l'aber (mot breton qui désigne une sorte de confluent d'estuaire et de la mer), nous affalons nos voiles et allons au moteur. Nous sommes ébahis de voir que la plupart des voiliers bretons continuent leur route à la voile jusqu'aux derniers mètres, voire rentrent dans le port à la voile! Tant mieux pour eux, mais nous, conscients de notre niveau, jouons la carte de la sécurité et manœuvrons comme nous avions fait jusqu'à présent: voiles affalées avant de rentrer dans le port et moteur en route.


Au moment de rentrer dans le port, un énorme voilier attire notre regard: il s'agit de Grain de Sail, un voilier cargo (unique dans son genre) qui amène du vin bio aux Etats-Unis, s'y charge de biens de première nécessité à destination de la République Dominicaine où il embarque des fèves de cacao qui seront transportées en France pour servir à la fabrication du chocolat avec une empreinte écologique défiant toute concurrence. Notre excitation est à son comble et nous nous jurons que nous allons essayer de les contacter pour essayer de faire un petit documentaire sur eux également. Malgré leur sollicitation permanente (Grain de Sail fait office de superstar en Bretagne), l'équipage répond favorablement à notre requête et nous passons un moment inoubliable à bord du voilier cargo avec Marc et Kimberly, membres de l'équipage. Ils nous font faire un tour du bateau et racontent la genèse du projet ainsi que les plans pour le futur. Nous sommes admiratifs devant de tels projets et la détermination des gens qui arrivent à les porter contre vents et marrées!




Nous faisons également connaissance de Pierre, Aline et leurs enfants. Ils ont navigué durant quelques années à bord de leur voilier Paa, modèle très proche du notre. Nous sympathisons immédiatement et passons de très chouettes moments à bord de leur bateau ou du notre. Ils sont une mine d'informations quant aux endroits à visiter pour la suite de notre itinéraire. La région est magnifique, nous y faisons plusieurs balades, seuls ou accompagnés de Vincent et Astrid que nous connaissions depuis la Belgique. Tout de moments très agréables qui donnent envie de rester dans la région pour l'explorer plus en profondeur mais il est temps pour nous de poursuivre notre route vers le sud!




Camaret-sur-Mer


Pour l'étape suivante, nous visons un mouillage sur la presqu'ile de Crozon, à l'ombre des falaises de Pen-Hir où Yegor a déjà eu l'occasion de faire de l'escalade quelques années auparavant.


Nous partons aux alentours de midi pour profiter des courants favorables dans le Chenal Dufour, lui aussi réputé pour ses courants redoutables. C'est sous un soleil de plomb que nous naviguons donc et le vent nous laisse à notre sort une fois de plus. Nous allumons donc le moteur et avalons les milles qui nous séparent de notre destination. Une fois au mouillage, le vent se réveille subitement, comme pour nous rappeler que seule sa loi compte en mer et que la journée peut changer de visage en l'espace de quelques minutes. Qu'à cela ne tienne, notre ancre est solidement plantée dans le sable une dizaine de mètres en dessous de nous et Sabali reste là où nous voulions rester.


Nous profitons de la pause pour refaire un test du kayak, histoire de ne pas rester sur notre défaite de la fois précédente. Cette fois-ci, pas de chavirage et nous pouvons faire une sortie pleine et explorer un peu la baie. Le vent et le courant sont très difficiles à contrer cependant et chaque coup de pagaie concentre toute notre force pour donner le cap désiré à notre embarcation. Nous rentrons rincés mais contents des promesses que le kayak porte pour la suite. Il est temps de nous rapprocher d'une ville plus importante pour faire notre avitaillement en vue du premier gros morceau de la navigation: le Golfe de Gascogne!


Douarnenez



La navigation vers Douarnenez compte parmi peut être les plus belles depuis le début de notre voyage. Un vent portant comme il faut, du soleil à en revendre, des paysages magnifiques, que demander de plus? Journée pleine d'émotions néanmoins, avec nos nouveaux amis rencontrés à l'Aber Wrac'h il y a à peine deux jours qu'on entend déclencher un mayday en fin de matinée, de l'autre côté de la presqu'île. La voie 16 de la radio annonce une crise cardiaque à bord et c'est impuissants qu'on assiste au déroulement des événements à la radio pendant plusieurs heures. On peste sur la durée de déploiement des secours et on donne les maigres infos qu'on a aux gardes côtes pour permettre d'identifier le bateau plus rapidement. Quelques heures plus tard, on reçoit un message rassurant de Pierre, le chef de bord. Sa femme, Aline, 40 ans à peine, est en vie et tout va bien. Elle est à l'hôpital en observation et Pierre a pu ramener le voilier et les 4 enfants qui se trouvaient à bord pendant les événements en sécurité. Une chape de béton s'évapore à l'intérieur.


Entretemps, on arrive à notre mouillage, cette fois pas à l'ancre mais sur un coffre, une sorte de très grosse bouée solidement plantée dans le fond à laquelle les voiliers peuvent s'amarrer. Au programme: avitaillement, préparation du bateau pour le Gascogne et repos en vue du gros morceau qui nous attend !


Dernière nouvelle avant de traverser, on baptise notre annexe "Dogoni", qui veut dire "petit frère" en Bambara (langue dont provient le nom "Sabali" ou patience).




50 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page